Si la vie a été apporté depuis l'espace, alors nos ancêtres sont des extraterrestres !
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Aux origines de la vie – 2 – Panspermie : la vie tombée du ciel

Il y a environ 4 milliards d’années, un vaisseau spatial extraterrestre, venu des tréfonds du cosmos, s’écrase sur une planète de la Voie Lactée. Malgré la violence de l’entrée dans l’atmosphère, ces êtres vivants venus d’ailleurs ont survécu. Mieux : ils ont trouvé un endroit particulièrement hospitalier et propice à leur colonisation. 4 milliards d’années plus tard, cette vie extraterrestre a essaimé partout, et cette planète, la Terre, lui appartient désormais. Science-fiction ? Peut-être pas.

1 – La chimie du vivant
2 – Panspermie : la vie tombée du ciel

Existe-t-il une hypothèse scientifique plus poétique que la panspermie, lorsqu’il s’agit d’expliquer l’origine de la vie ? Les minuscules graines de la vie, voyageant à travers l’espace, pour finir par s’échouer sur Terre, y trouvant enfin un lieu accueillant et propice à leur développement. Douce ironie : nous, les humains, braquons en vain nos télescopes vers le ciel, en quête du signal d’une civilisation extraterrestre… Alors que ce sont nous, les extraterrestres !

Les prémisses de cette hypothèse remontent à l’antiquité, lorsque Anaxagore, philosophe pré-socratique (avant Socrate, souvent considéré comme un jalon absolu de la philosophie antique), soutient au Vème siècle avant Jésus-Christ que les spermata, les plus petites particules du cosmos, présentes partout et toujours, ont fécondé la Terre en tombant avec la pluie. Anaxagore en conclut que la vie, issue de ce procédé, doit exister partout ailleurs dans le cosmos. Si Aristote reprendra en partie l’idée de la nature fécondatrice (il expliquait notamment que lors d’un accouplement entre deux animaux, le sexe du petit variait selon la direction du vent), il était pourtant partisan de l’hypothèse de la génération spontanée qui perdurera jusqu’au XIXème siècle. Rappelons-le, la génération spontanée explique que la vie apparaît de nulle part, à partir de la matière organique.

Il faudra donc attendre le XIXème siècle pour voir réapparaître l’idée que la vie pourrait venir du ciel. En 1881, le physicien britannique Lord Kelvin, tient pour probable l’idée que des pierres météoritiques aient pu semer la vie sur Terre. Il explique sa pensée auprès de la British Science Association :

Donc, et comme nous croyons tous secrètement qu’il y a eu à ce jour, et ce depuis la nuit des temps, plusieurs mondes habités en plus du nôtre, nous devons considérer probable au plus haut degré qu’il existe un nombre incalculable de météorites portant des graines qui se déplacent à travers l’espace. Si à ce jour aucune vie n’existait sur Terre et qu’une de ces dites pierre tombait dessus, alors la Terre pourrait bientôt être couverte de végétation.

Ce type est aussi précurseur dans l'étude de l'effet de serre.
Ce type est aussi précurseur dans l’étude de l’effet de serre.

En 1903, le chimiste suédois Svante Arrhenius, reprend cette idée dans un livre appelé Worlds in a making. Il rappelle la capacité des bactéries à pouvoir survivre dans des environnements extrêmes, et suppose que dans de rares cas, des particules pourraient être éjectées d’une planète habitée et atteindre un autre système solaire, grâce à la pression du champ de rayonnement du soleil et des autres étoiles.

Ces idées novatrices ont provoqué à l’époque de féroces oppositions, à un tel point que l’hypothèse tomba en désuétude et qu’il fallut attendre le milieu des années 70 pour entendre à nouveau parler de la panspermie dans les milieux scientifiques.

Ce n’est pas sale

Lithopanspermie, radiopanspermie, panspermie directe… Les idées ne manquent pas quand il s’agit d’expliquer comment la vie est tombée du ciel. Par la chute d’un astéroïde, grâce à la visite d’une civilisation extraterrestre… Mais le modèle le plus communément admis est le suivant : la semence qui a fécondé la Terre est issue de micro-organismes arrachés d’une planète suite à l’impact d’un astéroïde ou d’une comète.

La principale objection opposée à la panspermie est la suivante : l’espace est un endroit particulièrement inhospitalier. Les températures y sont glaciales, le vide y est presque parfait, des étoiles chaudes et massives engendrent des rayonnements ultraviolets extrêmement nocifs, et des particules énergétiques dangereuses sont libérées par des supernova. Du point de vue terrestre, le ciel est cette toile magnifique qui s’offre à nos yeux depuis l’aube de l’humanité, nourrissant de sa peinture céleste nos mythes et cosmogonies. Ne la percez pas pour passer derrière : cette toile est mortelle. C’est cet argument qui pendant longtemps a empêché la panspermie d’être considérée comme plausible dans les milieux scientifiques. Si des organismes ont été envoyés dans l’espace, ce qui est possible, ceux-ci ont été tués là-haut. Seuls des cadavres ont pu pleuvoir sur la planète à destination, et les cadavres, a priori, ne créent pas la vie.

Heureusement, plusieurs hypothèses infirment cet argument de l’espace génocidaire :

  • Certaines bactéries peuvent peut-être survivre dans un tel milieu
  • Ce milieu n’est peut-être pas si hostile
  • De la mort peut jaillir la vie (Amen)

La vie, partout

Le Mesenchytraeus est un ver qui vit à l'intérieur des glaciers... Il fond s'il se retrouve face à une température supérieure à 5°C !
Le Mesenchytraeus est un ver qui vit à l’intérieur des glaciers… Il fond s’il se retrouve face à une température supérieure à 5°C !

La Terre est à ce jour et dans la limite de nos connaissances le seul exemple de planète avec de la vie. Et si parfois les humains s’étonnent que les mondes qui les entourent semblent vides, désolés et inanimés, en revanche tout porte à croire que la vie sur Terre est particulièrement tenace et capable d’adaptation. La vie foisonne, partout. Et même dans des conditions extrêmes :

  • au milieu des enfers, là où la température approche ou dépasse les 100°C
  • au plus profond des abysses, jusqu’à 10 000 mètres au-dessous du niveau de la mer, là où la pression est extrême
  • sous les glaces des pôles, dans un froid intense

A tort, les hommes ont considéré certains territoires comme stériles. Dans les cheminées de ces profondeurs de l’Océan Pacifique ? Des bactéries, la vie. Dans des sédiments datés de plusieurs millions d’années, sans aucune source de nourriture ? Des bactéries, la vie. Très profondément, sous la surface terrestre, dans un environnement dénué d’accès à l’oxygène ? Des vers, la vie.

L'archeobactérie Pyrolobus fumarii peut survivre jusqu'à plus de 100°C, près de ce type de cheminées hydrothermales.
L’archeobactérie Pyrolobus fumarii peut survivre jusqu’à plus de 100°C, près de ce type de cheminées hydrothermales.

Une biodiversité encore inconnue existe, là-dessous, et prolifère depuis des millions d’années. Rien ne semble l’affecter, et surtout pas l’homme, à qui elle survivra certainement. A l’abri du temps, à l’abri des hommes.

Ces organismes sont appelés « extrêmophiles ». Et ce sont d’excellents candidats à un voyage dans l’espace.

L’odyssée de l’espace

 Nous avons déjà expliqué plus haut combien l’espace est un milieu inhospitalier. Dans quelles mesures ces conditions pourraient-elles être rendues plus favorables à la survie d’une forme de vie ?

Dans son Dictionnaire amoureux du ciel et des étoiles, l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan imagine le voyage de bactéries à l’intérieur d’un nuage interstellaire, à l’abri de la majorité des rayonnements nocifs susceptibles de les tuer. Il rappelle que notre Système Solaire traverse l’un de ces nuages tous les quelques dizaines de millions d’années. Des bactéries peuvent être happées à cet instant, et voyager jusqu’à une autre étoile, à l’issue d’un voyage de plusieurs millions d’années. Problème : l’intense rayonnement des étoiles les tuera certainement avant qu’elles ne parviennent jusqu’à leur planète de destination.

Il émet alors une autre hypothèse :

Et si ce bouclier n’était pas fait de gaz d’hydrogène [comme les nuages interstellaires] mais de roc solide ?

Les météorites sont régulièrement citées comme étant des véhicules idéaux pour l’échange de matériel organique entre étoiles. La Terre est sans cesse bombardée par de la roche venue du Ciel, riche de matériel extraterrestre. Des acides aminés, molécules entrant dans la composition des protéines, briques essentielles du vivant, ont en effet été découverts sur plusieurs météorites.

En 1996, un article fortement médiatisé et hautement polémique annonça même la découverte de structures ressemblant à des bactéries fossilisées sur la météorite ALH 84001, d'origine martienne... Bill Clinton fit même une déclaration à ce sujet.
En 1996, un article fortement médiatisé et hautement polémique annonça même la découverte de structures ressemblant à des bactéries fossilisées sur la météorite ALH 84001, d’origine martienne… Bill Clinton fit même une déclaration à ce sujet.

Les comètes contiennent elles aussi de la matière organique. A ce titre, la récente mission Rosetta a fait dire au chercheur Max Wallis, de l’Université de Cardiff, que :

La comète ne devait pas être considérée comme un corps très froid et inactif mais qu’elle était le siège de phénomènes géologiques et pourrait se révéler plus hospitalière aux micro-organismes que l’Arctique et l’Antarctique.

Dans un article écrit avec Chandra Wickramasinghe (pionnier de l’exobiologie et fervent défenseur de la panspermie), Wallis va même jusqu’à émettre l’hypothèse que des bactéries vivraient dans les eaux salines sous la surface de Tchouri !

La mort est le début de la vie

Autre solution pour pallier au problème de la survie de micro-organismes à un voyage interstellaire : imaginer leur retour à la vie, une fois parvenus à destination.

Une faculté propre à Jésus ? Du tout. En 1995, une équipe de chercheurs américains a annoncé être parvenue à faire revivre des spores de bactéries de type Bacillus trouvées à l’intérieur d’un miel datant de 25 millions d’années et conservé dans de l’ambre !

Trop mignon !
Trop mignon !

Il faut également évoquer les tardigrades, ces petits êtres si fascinants. Les tardigrades sont des extrêmophiles qui ressemblent à des oursons nageurs d’un millimètre, sont capable de résister à l’eau bouillante, à la déshydratation, au vide spatial, et peuvent même revenir à la vie après avoir été congelés durant plusieurs décennies ! Des capacités de survie extraordinaires qui poussent certains chercheur à voir en eux de bons candidats à un voyage à travers les étoiles…

Encore plus fort : la necropanspermie. Miam.Imaginée par Paul Wesson de l’Institut d’astrophysique Herzberg  (Canada), elle prévoit que les restes fossilisés de vie bactérienne, échouées sur une planète hospitalière, puissent contenir les informations génétiques nécessaires à l’apparition et au développement de la vie.

La panspermie est une hypothèse intéressante. Finalement, elle ne fait que repousser le problème de l’origine de la vie. Certes, il est possible qu’elle vienne du ciel. Mais alors comment est-elle apparue là-haut ?

5 Commentaires

  1. Après avoir lu Aux origines de la vie 1 et 2, je me dois de laisser un petit mot.
    Ce n’est pas moi qui pourrait vérifier la véracité du propos, s’il y en a une, ou les multiples sources citées.
    Quoiqu’il en soit bravo pour l’ensemble: le site est bien fait, beau; les articles sont explicites et très pédagogiques, avec en prime une pointe d’humour. Moi qui ne me suis jamais intéressée à ce domaine, voilà que je suis happée par le cosmos 😉
    Félicitations!

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